Film américain de Martin Scorsese-206’
Les Osages sont une tribu d’Amérindiens qui occupait un rang élevé parmi les anciennes tribus de chasseurs des « Grandes Plaines » américaines. Les hommes chassaient le bison, le cerf, le lapin et d’autres gibiers sauvages. Les femmes cultivaient du maïs, des courges et d’autres légumes. Elles récoltaient et transformaient également des noix et des baies sauvages. La première moitié des années 1700 fut une période de grands échanges entre les Osages et les colonisateurs français. En 1724, les Osages s’allièrent aux Français plutôt qu’aux Espagnols dans leur lutte pour le contrôle de la région Mississippi dont ils étaient originaires depuis le XIII ème siècle. Ces derniers, construisaient leur richesse grâce aux ventes de fourrures avec des commerçants/aventuriers Français.
En 1803, le Premier consul Bonaparte (1769/1821) vend « La Louisiane française » au Président des États-Unis Thomas Jefferson (1743/1826). Après l’achat de la Louisiane, immense territoire allant de la Nouvelle Orleans à la frontière du Canada (2,14 millions de kms2 !) par les États-Unis, le gouvernement de ce pays nomme un riche négociant en fourrures, le français Jean-Pierre Chouteau (1748/1859), créole et politicien de la Nouvelle Orleans, comme agent indien affecté aux Osages. Dans les traités de 1818 et 1825, les Osages cèdent leurs terres ancestrales (Missouri, Arkansas, Oklahoma) contre une réserve à l’ouest avec des fournitures afin d’y développer leur agriculture et de s’adapter à une culture plus sédentaire. Au cours de cette période, La United Foreign Missionary Society leur envoi des membres du clergé soutenus par les églises presbytérienne et reformée néerlandaise. L’église catholique dépêche également des missionnaires.
En 1837/1838, la tribu souffre d’une épidémie de variole laquelle cause des pertes dévastatrices parmi les Amérindiens (du Canada au Nouveau Mexique). Tout le clergé, sauf celui des catholiques, abandonne les Osages pendant cette terrible crise. Aussi, les Osages croient à la loyauté des prêtres catholiques qui restaient avec eux malgré ce fléau : une alliance spéciale fut celée entre la tribu et l’église catholique. Ainsi, le clergé catholique accompagne les Osages lorsque ces derniers sont forcés de déménager à nouveau dans un « Territoire indien », le futur l’état de l’Oklahoma. Les Osages sont l’une des rares nation amérindienne à avoir acheté leur propre réserve. En conséquence, ils ont plus de droits sur leurs terres et notamment les droits miniers. Leur réserve d’environ 5900 kms2, coïncide avec la partie centre-nord de l’Oklahoma où ils ont établi quatre villes : Pawhusla, Hominy, Gray Horse et Fairfax.
En 1897, de grands gisements de pétrole sont découvert sous la vaste prairie appartenant aux Osages. La découverte de « l’or noir » en grandes quantités a rendu ceux-ci très riches grâces aux redevances versées par le gouvernement américain. En 1907, Le gouvernement fédéral d’Oklahoma a promu une loi qui stipule que chaque Osage ou leurs héritiers légaux qu’il soit, Osage ou non, avait des « droits par tête » sur les redevances de la production pétrolière en fonction de leurs attributions de terres …
Cette soudaine pluie de dollars sur les Osages attire toutes sorte d’individus …
Killers of the Flower Moon commence lorsque qu’en 1920, dans la ville champignon de Fairfax, descend du train Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), un ancien conscrit démobilisé de la Première Guerre Mondiale qu’il a vécue dans le corps expéditionnaire américain, en France (1917/1919 : American Expeditionary Forces). C’est un jeune homme simple, un peu fruste. Dès son arrivée, il remarque l’opulence des habitants de cette localité, et en particulier, celle des Osages vêtus de leurs costumes traditionnels. Immédiatement, il est pris en mains par son oncle William Hale (Robert de Niro) un riche éleveur de la région qui lorgne la soudaine richesse des Amérindiens. Sans attendre, dès leur premier entretien, son oncle lui fait comprendre à mi-mot qu’il devrait lui, homme vigoureux, se marier avec une Osage …
Ernest Burkhart devient conducteur de taxi. Il transporte de riches Osage. Un jour il véhicule la belle Molly (Lily Gladstone), qui ne semble pas indifférente à sa présence …
Killers of the Flower Moon est le 27 ème long métrage de Martin Scorsese (81 ans). On ne présente plus ce réalisateur italo-américain l’un des fondateurs du « Nouvel Hollywood » dès 1970, avec Francis Ford Coppola (né en 1939), Steven Spielberg (né en 1946), Hal Hashby (1929/1988), Brian de Palma (né en 1940), Georges Lucas (né en 1944), etc. En 1976, son éblouissant talent fut récompensé par la Palme d’or au 29 ème Festival de Cannes pour son cinquième opus : Taxi Driver (sur un scénario de Paul Schrader). Tous ses thèmes de prédilection étaient déjà exposés : la violence, la rédemption, la culpabilité, la cupidité, l’amour destructeur, etc. ; un univers foisonnant d’où émergeront des chefs d’œuvres cinématographiques. Citons, pour mémoire : Mean Streets (1973), Raging Bull (1980), Les Affranchis (1990), Casino (1995), Gangs of New York (2002), Le Loup de Wall Street (2013). Tous ces longs métrages sont parcourus d’une intense énergie, combinaison d’images et de sons (bandes musicales) qui ne fléchit pas tout au long de récits cabossées. Presque toute sa filmographie narre des histoires sur la tragédie de la société américaine sous plusieurs aspects : la violence, la délinquance, le gangstérisme, l’affairisme. Martin Scorsese est un conteur impitoyable de la société américaine et de son « American way of life ».
Le scénario de Killers of the Flower Moon, d’une grande richesse, développé pendant des années (7ans, Covid inclus !) par Éric Roth scénariste renommé de Forrest Gump (1994) de Robert Zemeckis, de Munich (2005) de Steven Spielberg (2005), de L’étrange Histoire de Benjamin Button (2008) de David Fincher avec le concours de Martin Scorsese, est issu du livre éponyme en anglais, traduit en français : La Note américaine (2018) du journaliste et écrivain David Grann. A la demande de Leonardo DiCaprio le point de vue de l’histoire a été radicalement changé : il n’est plus l’agent du B.O.I (Bureau of Investigation) ancêtre du F.B.I (Fédéral Bureau of Investigation d’Edgar Hoover) qui enquête sur les meurtres et disparitions des femmes Osage, mais Ernest Burkhart l’époux de Molly. Cette nouvelle approche, à travers un prisme familial, sur le « règne de la terreur » , met en relief toute la complexité, la cupidité des blancs de la décade 1920/1930 dans l’Oklahoma ou l’argent, le diabète, l’alcool, le pétrole, et le sang mêlé concourent à une sombre tragédie d’ou aucun ne sortira indemne. Malgré une durée de projection (trois heures et demi !) l’intensité du film ne fléchit jamais et s’achève sur un « final théâtral », inouïe, que nous ne dévoilerons pas !
Killers of the Flower Moon est une sorte de néo-western (200 millions de $ !), le premier pour Martin Scorsese. Le récit est haletant, épique, glauque, strié de violence physique et morale. Mais c’est également le récit d’une tragédie domestique : Ernest aime sa femme, mais malgré cet amour, la trahit. L’histoire « enroule » deux mondes : celui du génocide des amérindiens après la fin des « guerres indiennes » (1778/1890), et celui d’une tragédie familiale.
A nouveau dans son dernier opus, Martin Scorsese démontre qu’il un immense cinéaste, le plus important des Etats-Unis par sa traque inlassable des maux de la société américaine, irradiée depuis sa naissance et son développement (1776/2023) par une violence endémique.
Killers of the Flower Moon a été projeté au Festival de Cannes 2023 en sélection officielle, hors compétition. La délégation du film de Martin Scorsese, Leonardo DiCaprio (Ernest Burkhart), Robert de Niro (William Hale), Lily Gladstone (Molly Burkhart), Jesse Plemons (Tom White, l’enquêteur du F.B.I) … et le producteur Tim Cook ( !) Directeur Général de la société Apple, ont reçu, au terme de la projection, une standing ovation de 9 minutes. Le Festival de Cannes dont la pente naturelle est versatile, ne s’est pas fourvoyé. Killers of the Flower Moon est un « Masterpiece ».
Robert de Niro joue tellement bien son rôle d’homme amoral!