Burning

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affiche burningFilm coréen de Lee Chang-dong – 148’
Avec Yoo Ah-In, Steven Yeun, Jun Jong-Seo
Sortie le 29 août 2018

Par Jean-Louis Requena

Corée du Sud de nos jours. Jong-soo (Yoo Ah-in) est un jeune homme qui vit de petits boulots et rêve de devenir écrivain. A Séoul, lors d’une livraison il rencontre Haemi (Jun Jong-Seo) une ravissante jeune fille originaire de Paju comme lui, village près de la frontière démilitarisée qui sépare les deux Corées. Elle apprend la pantomime et veut devenir actrice. Ils se retrouvent, couchent ensemble dans la studette de Haemi où elle vit avec son chat. Quelque temps après, elle part en Afrique Noire et demande à Joog-soo de nourrir son chat en son absence.
Jong-soo retourne travailler à la ferme familiale de Paju dont il doit s’occuper car son père vient d’être emprisonné pour avoir molesté un policier et doit passer en jugement. Avec la vielle camionnette familiale Jong-soo se rend dans la studette de Haemi pour nourrir le chat Choffo (chauffe-eau !) qu’il ne voit jamais. Ce chat existe-il ?
Haemi appelle Jong-soo depuis l’Afrique et lui demande de venir la chercher à l’aéroport de Séoul, ce qu’il s’empresse de faire. A son grand désappointement Haemi arrive accompagnée d’un Coréen plus âgé qu’elle, beau, sûr de lui : Ben (Steven Yeun). Ben semble riche, « occidentalisé ». Il se déplace en Porsche Carrera tandis que Jong-soo circule dans sa vieille camionnette.
Rapidement, une sorte de triangle amoureux s’installe sans qu’aucun des personnages du trio ne semble en pâtir. A l’instar de la mise en image somptueuse (longs plans séquences aux teintes « chaudes »), rien n’apparaît comme défini ou définitif, tout semble en suspension comme inabouti. Si Jong-soo nous apparaît comme « net », c’est un homme de la terre, un jeune paysan, ce n’est pas le cas de Ben et de Haemi qui du reste disparaît, « s’évapore » dit Ben à Jong-soo.
Le trio devient un duo antagoniste du moins du point de vue de Jong-soo. Celui-ci bien qu’assujetti à la ferme familiale se lance à la recherche de Haemi. Va-t-il la retrouver ?
Lee Chang-dong (64 ans) est un cinéaste à part dans le formidable paysage du cinéma sud-coréen. Intellectuel, écrivain, il a réalisé son premier film Green Fish (1997) à 43 ans. Burning est son sixième film après son précèdent Poetry (2010) il y a huit ans. Il tourne peu, portant comme dans ce dernier opus, un soin particulier au scénario où la narration paraît fluide et naturelle alors même qu’elle est trouée par des non-dits. A partir d’une nouvelle de l’écrivain japonais Haruki Murakami Les Granges Brulées (L’éléphant s’évapore – Haruki Murakami – Edition du Seuil – 1998), avec son coscénariste Oh Jung-mi, il fait un travail d’orfèvre pour maintenir une structure scénaristique solide où vient se greffer un récit flou. Par la lenteur de la mise en images (2heures 28 minutes !), Lee Chang-dong développe un film mystère sur la mystérieuse absence de Haemi, sur le désir de vérité que ce manque développe. Lee Chang-dong nous raconte tout cela avec son propre langage cinématographique : sens du cadre, de la lumière, des mouvements de caméra, du travail minutieux sur les sons, le tout avec une rigueur qui nous épate.
Ce film mystérieux, envoûtant, possède plusieurs niveaux de lecture qu’il vous faudra découvrir ou non…
Ce réalisateur rare (6 longs métrages en 30 ans !) a été un éphémère ministre de la Culture dans son pays la Corée du Sud (2003/2004). Il s’est notamment battu pour imposer des quotas face à l’invasion des films nord-américains. Le cinéma sud-coréen est, de nos jours, l’un des plus intéressant du monde par la qualité et la diversité de ses productions.
Burning a été en compétition dans la sélection officielle du dernier Festival de Cannes. Il n’a rien obtenu. Pour de nombreux observateurs il méritait la Palme d’Or.